Entrée – debout au salon
Le roulis de la mer dans son écume de Bourgogne
Quelques centaines d'huîtres des plus belles marées ouvertes sous les yeux ébahis d'une assistance envieuse. Des numéros trois « spéciales pousse en claires ». Le premier jus est délibérément écarté, le deuxième n'en sera que meilleur. De-ci, de-là, quelques citrons et autres jus d'échalotes vinaigrés à disposition du manant viril qui ignore la timidité de la noisette et préfère s'ouvrir l'appétit avec un zeste de caractère. Comble du luxe, de petits toasts croustillants sont déjà pré-beurrés-salés de Guérande. A ma droite, le Chablis premier cru « Montée de Tonnerre » estampillé année récente pour privilégier la nervosité. Nous plaisantons aux propos de l'aimable néophyte qui attendait Sancerre. Ce soir, nous n'exagérons pas, nous sommes devenus fous au service de la Nation.
Suite – assis à table
Le Prince bleu du rocher dans son plus simple caractère
La table, élégamment dressée, accueille le homard bleu de Bretagne. Cuit au poivre bouillant, eau de mer livrée par chaise à porteur directement de Brest. Une neutralité toute singulière pour préserver la délicatesse parfumée de ses chairs. Bien sûr, le Chablis pourrait convenir, pourquoi pas dans une autre déclinaison Grenouille ou Montmains mais qui résisterait à l'orfèvre Chassagne-Montrachet blanc qui éclaire le cristal de nos verres très légèrement embués ? Personne. Une très fine et revigorante mayonnaise est à la disposition de ceux qui, comme nous, savent rester simples lorsque le parfait accord l'impose.
Enchaînons
Le foie gras chaud-froid de mère l'Oie
Entiers bien sûr. L'un, poêlé, se complaît en chaleur tandis que l'autre, frais, joue le contraste. Extrait de pommes cuites au four pour l'un, tendre pain d'épice et son confit de figue pour l'autre. Nous aurions pu sacrifier à l'exquis grain noble, mais la crainte de la redondance nous fait opter originalement pour un ancien Pomerol. L'école classique du ciselé champagne ne boudera pas longtemps les senteurs paysannes d'une terre si élégante. Il faut dire que nous l'avons laissé vieillir le bougre et ses arômes sont fondus. Croustillons en paix.
Pause. L'orchestre joue du Mozart.
Les invités discutent de la crise.
Les trois cuillères des senteurs de sept heures
Une grande assiette et un trio gagnant. Le gigot de sept heures, fondant à souhait et servi à la cuillère, avec ses deux acolytes de purée : l'une pomme de terre-céleri, l'autre, carotte. L'amateur sait que l'agneau mange des carottes quand il n'a rien d'autre et que cette association de biotype est idéale. La note légèrement salée-naturelle de notre agneau réveille les papilles de nos convives. Qu'il se rassure, le Pauillac l'attend et sa très noble facture survivra au précédent Pomerol. Il s'agit d'un Lynch-Bages aussi séduisant que distingué. Une solide colonne vertébrale, droite, puissante, mais suave. L'ensemble des invités notent la légèreté de nos choix. Nous nous recueillons.
Le carrousel des odeurs
Un chariot de trois étages remplis de fromages glisse sans un bruit sur l'épaisse moquette. Il se stabilise et chaque invité choisit parmi le paysage. Toutes les régions sont présentes et l'inconnu côtoie le familier. Effaré, l'étranger hésite mais un spécialiste le met à l'aise et lui présente les saveurs. Cette manière de mettre à l'aise son convive est une grande signature de la France. Idem pour le vin. Le sommelier se charge d'aiguiller le non initié. En face de lui, un homme discret opère l'exquise sobriété : un vieux Conté accompagne son vin jaune et il sourit. Une demi-heure plus tard la tablée est totalement détendue. Les estomacs sont rassasiés et il flotte un climat de sérénité. Les femmes sont néanmoins soudain inquiètes. Le dessert ne sera-t-il pas trop copieux ? Deux options sont prévues.
Le dessert à option variable
Tarte Tatin, crème épaisse pour les plus gourmands. Duo de macarons souples, mais croustillant pour les sportifs amateurs de douceur. Champagne millésimé pour tous. On est bien. Meilleurs cafés et thés concluront le délicieux exercice.
Toute l'équipe espère vous avoir diverti et donné l'une ou l'autre idée. Nous vous souhaitons d'excellentes et joviales fêtes, dans vos ambassades imaginaires réciproques.